30

Pour éviter de montrer qu’il se savait suivi, Pike ralentit au lieu d’accélérer lorsqu’il décida que le moment était venu de semer ses poursuivants. Il les obligea à le suivre sur un boulevard en travaux où le nombre de voies de circulation était temporairement réduit à deux. Quand sa Jeep ressortit de la zone en chantier, ils étaient toujours empêtrés dans les sables mouvants de l’embouteillage. Il reprit tranquillement sa route puis s’arrêta devant une croissanterie.

Quelques minutes plus tard, Cole l’appela.

— Un des mecs est descendu de bagnole dans le bouchon et t’a couru après à pied. Ça n’a pas donné grand-chose.

— Où ils en sont ?

— Ils viennent de se séparer. Je suis sur le Navigator, qui monte vers le nord par Vine. Jon s’occupe de la BM.

— La BM aussi roule vers le nord, dit Stone. Sur Gower. Il y a des chances pour que les deux aillent au même endroit.

— Je vous rejoins, dit Pike.

Tout se déroulait conformément à ses souhaits. Les autorités de Darko avaient envoyé leur service d’ordre, dont le responsable allait maintenant devoir expliquer pourquoi il avait merdé. Il conduirait donc Pike à une de ces autorités, et peut-être même à Darko.

Pike repéra le Range Rover de Stone en bas de Laurel Canyon à l’instant où il bifurquait après deux colonnes grecques prétentieuses pour s’engager dans un lotissement de luxe affublé du nom de Mount Olympus.

Cole, qui précédait Stone de deux ou trois véhicules et attaquait déjà les premières pentes du canyon, signala que leur convoi risquait d’être repéré dans un décor pareil.

— Je vois un chantier sur ma droite, dit-il. On devrait y laisser deux voitures.

— OK.

Pike prit de la vitesse et les rattrapa. Cole et lui descendirent de leur véhicule et sautèrent dans le Rover de Stone. Stone redémarra en trombe pour ne pas perdre trop de terrain sur leurs cibles.

Aucune des luxueuses villas d’un goût plus ou moins douteux qui ponctuaient le paysage n’était digne des divinités grecques dont les rues pentues portaient les noms. Mount Olympus céda la place à Oceanus, puis à Hercules et Achilles. Ils prirent rapidement de l’altitude, apercevant par instants, quelques lacets plus haut, les deux voitures qu’ils filaient.

Ils atteignirent la ligne de crête, négocièrent un virage serré, et découvrirent le Navigator et la BMW garés devant une villa gris foncé bâtie le long du côté aval de la rue. Tous deux étaient vides ; ils en déduisirent facilement que leurs occupants se trouvaient à présent dans la villa. Comme toutes les autres constructions du lotissement, elle était de plain-pied. Basse et contemporaine, elle présentait sur rue une façade aveugle et monolithique, tout juste rompue par une porte d’entrée en acier poli et une triple porte de garage assortie. De part et d’autre du bâtiment, un mur percé d’un portail secondaire empêchait de voir quoi que ce soit à l’arrière.

— Bienvenue chez Darko, dit Stone. Je sens son odeur.

— Continuez de rouler et déposez-moi devant la maison suivante.

Jon ralentit juste de ce qu’il fallait pour permettre à Pike de sauter en marche. Pike balaya du regard les façades voisines pour voir si quelqu’un l’observait, mais rien ne bougeait dans ces villas coupées du monde.

Il revint à pied jusqu’à la maison grise et trouva une fine liasse de magazines et d’enveloppes dans la boîte aux lettres. Il constata en les feuilletant que le courrier était adressé à un certain Emile Grebner.

Il remit le tout en place et alla rejoindre le Range Rover, qui avait bifurqué au coin de rue suivant et l’attendait au bord de la chaussée.

Tout en marchant, Pike appela George Smith. Cette fois, George reconnut le numéro et décrocha instantanément.

— Mes amis me disent que tu es une équipe de démolition à toi tout seul.

— Tes amis du KGB ?

— Les gars d’Odessa se régalent. L’un d’eux est en concurrence avec M. Darko sur le marché des stations-service.

— Je ne fais pas ça pour eux.

— Ça ne fait jamais de mal d’être apprécié, mon ami.

— Le KGB sait peut-être quelque chose sur Emile Grebner ?

— Grebner…

George réfléchit une seconde avant d’ajouter :

— Si on parle bien du même Grebner, il roule pour Darko, oui. J’ai oublié son prénom.

— Il fait partie des autorités ?

George éclata de rire.

— C’est comme ça qu’on les appelle, effectivement. Tu parleras bientôt le serbe, dis donc. Et peut-être le russe.

— Ce qui veut dire que Darko et Grebner sont proches ?

— Darko doit avoir trois ou quatre lieutenants comme Grebner, chacun à la tête de trois ou quatre cellules opérationnelles. Le secret compte plus que tout pour les gens qui viennent de notre partie du monde, mon vieux. Il est possible que ces gars-là ne se connaissent même pas entre eux.

L’ex-KGB et le Parti communiste avaient toujours fonctionné selon une organisation similaire depuis le temps de Lénine, et Pike savait que les premiers gangs soviétiques avaient repris la même lorsque le Parti avait tenté sans succès de les mettre hors d’état de nuire. Ces gangs avaient finalement survécu au Parti et exporté leur modèle en Europe de l’Est, puis en Amérique.

— Un système de cellules, donc.

— Oui. Par exemple, ces stations-service que tu viens d’attaquer sont probablement sous la responsabilité de Grebner, donc c’est à lui de résoudre le problème. C’est comme ça que tu as entendu parler de lui ? Il t’a envoyé ses hommes ?

— C’est comme ça que j’ai entendu parler de lui.

— Je les plains.

Pike referma son portable en arrivant à la hauteur du Rover.

— Alors ? demanda Stone. Casa Darko ?

— Non.

Pike monta dans le Rover et les informa de ce qu’il venait d’apprendre par George Smith. Pendant qu’il parlait, la porte d’entrée de la villa s’ouvrit ; deux gorilles en sortirent l’un après l’autre et se dirigèrent vers le Navigator. Ils n’avaient pas l’air ravis : le premier engueulait son acolyte, à qui il reprochait certainement leur échec. Le Navigator s’en alla après un demi-tour effectué avec force hurlements de pneus.

Stone éclata de rire.

— Je vous parie que ces mecs vont avoir besoin de se faire recoudre le cul.

— Il y en avait combien dans la BM, Jon ? demanda Pike.

— Deux. Des gonzesses. J’ai vu ça à leur façon de conduire.

Stone était du genre à dire des choses comme ça.

Pike se demanda si Darko se trouvait chez Grebner. Cela lui paraissait peu probable, mais restait possible. Peut-être n’y avait-il que deux ou trois hommes à l’intérieur, mais il se pouvait aussi qu’il y en ait douze, ou même une famille avec des enfants.

— Bon, dit Cole, qu’est-ce qu’on fait ?

— On va jeter un œil. Toi et moi. Jon, vous restez ici. Prévenez-nous si quelqu’un arrive.

— Vous voulez le M4 ? proposa Stone pendant que Gole et Pike descendaient. Pour la guérilla urbaine, il n’y a pas mieux.

Cole fronça les sourcils.

— Vous avez un M4 ?

— Tu parles, Charles. À suppresseur. Et j’ai mis des pointes creuses, ça vous évitera de faire un carnage chez les voisins. Il sort tout droit de l’armurerie Delta.

Cole se tourna vers Pike.

— Il plaisante ?

— Allons-y.

Pike s’éloigna au trot, et Cole le suivit. Ils ralentirent à l’approche de la villa grise et se plaquèrent contre le portail latéral le plus proche d’eux le temps de laisser passer une auto. Ni l’un ni l’autre ne parla – ni l’un ni l’autre n’en éprouvait le besoin. Pike avait effectué des missions de plus d’une semaine sans prononcer un seul mot.

Il fut le premier à escalader le portail. Il atterrit en douceur de l’autre côté puis, sans attendre, courut plié en deux jusqu’à l’angle qui donnait sur l’arrière de la villa. Quand il l’atteignit, Cole était sur ses talons.

Le jardin, quoique de dimensions modestes, offrait des possibilités de détente ultrasophistiquées avec son bar extérieur, sa terrasse couverte distribuée autour d’un barbecue en brique et sa piscine à débordement. La vue, au-delà, était à couper le souffle : toute la plaine de Los Angeles s’étalait sous leurs yeux, du centre des affaires à l’océan Pacifique, et on voyait au sud jusqu’à Long Beach. Le bord opposé du bassin se confondait avec l’horizon. C’était en raison de ce panorama que le lotissement avait été baptisé Mount Olympus.

Pike perçut un brouhaha étouffé et comprit qu’il provenait d’un téléviseur. Quelqu’un parlait avec émotion des Lakers sur ESPN.

Cole lui toucha l’épaule et tendit l’index. Une allée passant derrière le bar menait à un appentis délimité par un retour de mur, dans lequel devait être entreposé le matériel d’entretien. Cole lui toucha une deuxième fois l’épaule avant de montrer ses propres yeux, manière de signifier que cet appentis constituait un bon poste d’observation.

Pike se faufila derrière le bar et alla se tapir derrière le matériel de piscine. Cole le rejoignit quelques secondes après.

L’arrière de la villa d’Emile Grebner était entièrement ouvert. Les panneaux coulissants des baies vitrées avaient été repoussés au maximum pour supprimer la limite entre l’intérieur et l’extérieur et inonder la maison d’air et de lumière. Il y avait trois hommes dans le salon, deux assez jeunes et le dernier d’une cinquantaine d’années, plus petit et plus râblé que les autres, mais aucun d’eux n’était Michael Darko. Le quinquagénaire ne portait qu’un pantalon de survêtement ample coupé aux genoux ; son torse et son dos étaient couverts de poils gris. Il monopolisait la parole, et Pike se dit que ce devait être Grebner. Il avait l’air en colère et moulinait spectaculairement des bras.

Un des jeunes hommes commit l’erreur de dire quelque chose, et Grebner le gifla, manquant le faire tomber. Le jeune homme prit la poudre d’escampette. Il sortit dans le jardin, alluma une cigarette et s’accouda au bar, boudeur.

Grebner finit par se retrouver en panne de mots. Il attrapa un portable et passa un appel pendant que l’autre jeune homme filait dans la cuisine. Grebner jeta l’appareil dans le canapé puis partit à grands pas vers les toilettes attenantes.

Dès que la porte eut claqué, l’homme du bar lui adressa un doigt d’honneur.

Pike toucha Cole du doigt et lui montra l’occupant de la cuisine – celui-là est pour toi. Il se toucha la poitrine et montra l’autre, au bar – celui-là est pour moi.

Cole acquiesça. Pike aussi. Tous deux se mirent en mouvement sans la moindre hésitation, Pike devant pour préparer la voie à Cole.

Pike se faufila derrière sa proie, lui enserra le cou dans l’étau de son bras gauche, et le souleva de terre.

— Chut, dit-il.

Une forme bougea à la limite du champ de vision de Pike quand Cole passa à sa hauteur, mais Pike était concentré sur sa cible. L’homme se débattait ; Pike le souleva encore un peu plus en comprimant sa carotide pour bloquer l’afflux du sang au cerveau : sa victime tourna de l’œil en quelques secondes. Pike l’allongea derrière le bar et lui attacha les poignets dans le dos à l’aide d’entraves en plastique.

Il aperçut Cole en train de mettre au tapis l’homme de la cuisine en se rapprochant du salon. Il fila jusqu’aux toilettes et se plaqua derrière la porte quelques secondes avant qu’elle se rouvre sur Grebner.

Pike le frappa derrière l’oreille droite avec son 357, et Grebner bascula en avant. Sa hanche s’écrasa contre le sol en mosaïque, mais il se rassit et recula sur les fesses jusqu’à buter contre le mur. Pike n’avait pas eu l’intention de l’assommer. Il le voulait conscient.

Cole ressortit de la cuisine et, hormis un bref regard en direction de Grebner, l’ignora complètement.

— Je vais faire le tour de la baraque.

Et il disparut, laissant Grebner à Pike. On ne savait jamais : quelqu’un pouvait s’être caché dans un placard.

Pike regarda Grebner. Les yeux de ce dernier s’arrêtèrent sur le Python de Pike, puis sur le bras de Pike, puis sur le visage de Pike.

— Vous êtes qui, merde ?

Pike ouvrit son portable.

— Ça y est.

— Je suis là si vous avez besoin de moi, vieux frère, répondit Stone. Prêt à envoyer la sauce.

— Vous avez intérêt à arrêter ça tout de suite, gronda Grebner.

Pike sentit qu’il avait peur, ce qui était une bonne chose. Dehors, Cole traînait l’homme du bar sur la terrasse. Après lui avoir entravé les chevilles, il repartit vers la cuisine.

Grebner secoua la tête.

— Vous n’avez aucune idée des ennuis qui vont vous tomber dessus.

— Debout, dit Pike.

Grebner se releva avec méfiance. Pike le retourna, lui lia les mains dans le dos, et le fit allonger à plat ventre. Grebner l’observait du coin de l’œil, tentant de deviner ses intentions, mais il ne voyait que la surface réfléchissante de ses lunettes miroir – deux yeux bleutés d’insecte sur un visage de marbre. Pike savait qu’elles le perturbaient. Comme Walsh au Parker Center, il était déstabilisé.

— Où est Darko ?

— Je t’emmerde.

Pike le frappa. Le métal du 357 lui ouvrit le haut de la tempe.

— Où est Darko ?

Grebner émit un grognement sourd et secoua la tête, ce qui eut pour effet d’étaler le sang sur son visage.

— Je sais que vous voulez Darko. Vous dites à tout le monde que vous voulez Darko. Tenez, vous n’avez qu’à l’appeler, dit-il en inclinant la tête vers le canapé. Au téléphone. Vous voyez ce portable, là, sur le canapé ? Prenez-le. Sélectionnez « Michael » dans le répertoire. Appelez-le.

Pike ramassa le portable, fit défiler les noms jusqu’à trouver le bon.

— Allez-y, dit Grebner. Vous voyez le numéro ? Notez-le si vous voulez. Appelez-le.

Dehors, Cole venait de transporter l’homme de la cuisine à côté de son camarade. Tous deux avaient repris connaissance, mais ils étaient pieds et poings liés. Cole repartit à grands pas vers une autre partie de la maison, pistolet en main.

Pike appela le numéro et tomba sur une voix de synthèse féminine :

— Veuillez laisser un numéro de contact après le bip, suivi de la touche dièse.

Un service de messagerie vocale. Pike raccrocha au moment où le bip se faisait entendre et consulta le journal d’appels du portable. Il vit que le même numéro avait été contacté quelques minutes plus tôt, ce qui correspondait très vraisemblablement au coup de fil que Grebner avait tenté de passer avant d’aller aux toilettes. Il ne mentait pas.

Pike glissa le téléphone dans sa poche et revint vers Grebner.

— Où est-il ?

Grebner baissa les yeux vers sa poche.

— Là. C’est là qu’il est. On lui laisse un message, et il rappelle. Michael vit là, dans ce téléphone. Il est dans votre poche.

Pike rengaina son 357 et s’accroupit à quelques centimètres de lui.

— Ça va faire mal, dit-il.

Il enfonça son pouce derrière la clavicule droite de Grebner, cherchant un centre nerveux. Quand il l’eut trouvé, il appuya dessus pour le coincer contre l’os. Grebner sursauta et se plaqua contre le mur. Pike appuya plus fort pour écraser les nerfs. Tout le corps de Grebner se tendit comme un arc ; il poussa un long râle, luttant pour résister à la douleur.

Pike le lâcha.

— Ça fera plus mal la prochaine fois.

Grebner respira profondément plusieurs fois de suite.

— Je sais que vous cherchez Darko, mais qu’est-ce que vous faites ici, mec ? Vous voulez du fric ? Je peux vous en donner.

Pike appuya de nouveau sur le point névralgique, et Grebner hurla. Son visage cramoisi devint violacé. Il se mit à ruer frénétiquement, mais Pike le maintenait plaqué au sol. Puis il relâcha sa pression.

— Pas de fric. Darko.

Grebner sanglota et se remit à secouer la tête.

— Je ne sais pas. Je l’appelle. À ce numéro. Je ne sais rien de plus. C’est justement pour ça qu’il ne dit à personne où il est. Frappez-moi autant que vous voudrez, je ne pourrai pas vous en dire plus. Vous n’êtes pas le seul à vouloir lui mettre la main dessus.

— Jakovic ?

Grebner tiqua, surpris pour la première fois. Son regard se tourna brièvement vers ses hommes, puis vers la porte d’entrée, comme s’il ne parvenait pas à croire à la réalité de cette situation et s’imaginait qu’il lui suffirait de rester dans le déni pour que Pike s’en aille.

— Vous ne savez pas ce que vous dites.

— Et si je te dis kalachnikovs ?

Grebner ouvrit lentement la bouche, en fixant Pike telle une apparition.

— Comment vous savez ça ?

— Les armes sont à Los Angeles ?

Grebner ne répondit pas. Il cherchait toujours à comprendre d’où Pike tenait cette information.

Pike tendit la main vers son épaule, et Grebner sursauta.

— Oui ! Oui, c’est ce qu’on m’a dit. Je ne suis pas au courant-je ne les ai pas vues-mais c’est ce que j’ai entendu dire.

Cole réapparut pendant que Grebner parlait, un sachet de supermarché sous le bras. Il fit signe à Pike d’approcher et lui glissa à mi-voix :

— Les armes sont là ?

— C’est ce qu’il dit.

— Et Darko ? Il t’a donné une adresse ?

— Un numéro de boîte vocale. C’est tout.

Cole tapota le sac.

— J’ai récolté quelques papiers, mais ça ne va pas chercher bien loin. Je ne suis pas sûr que ça puisse nous aider.

Pike et Cole se retournèrent vers Grebner, qui les fixait comme un rat acculé par deux chiens.

— Où sont les armes ? interrogea Pike.

— Comment vous voulez que je le sache ? Le vieux. C’est lui qui les a.

— Jakovic ?

— Vous faites ça pour les armes ? Vous voulez les voler, les acheter, ou quoi ? Vous travaillez pour qui ?

— Frank Meyer.

— Je ne connais aucun Frank Meyer. Qui c’est ?

— Darko a envoyé une bande attaquer une maison à Westwood il y a près d’une semaine. Tu es au courant ?

— Bien sûr que je suis au courant. C’était la maison de ce Frank Meyer ?

— De Frank, de sa femme Cindy, et de leurs deux petits garçons. La bande les a assassinés pour enlever un bébé, le fils de Darko.

Grebner tiqua de nouveau.

— Le fils de Michael ?

Pike hocha la tête, ce qui n’atténua pas le désarroi de Grebner.

— Michael n’a pas d’enfants, dit-il. C’est le fils du vieux qu’il a enlevé.

Cole et Pike échangèrent un rapide regard, puis Cole sortit de sa poche la photo du fils de Rina et la montra à Grebner. Le bébé roux aux cheveux clairsemés.

— Peter. Petar. C’est bien de cet enfant dont tu parles ?

— Je ne l’ai jamais vu. Tout ce que je sais, c’est ce que m’en a dit Michael.

— À savoir ?

— Michael a enlevé le gosse pour avoir les armes. Il a cru qu’il pourrait forcer le vieux à accepter l’échange, mais le vieux est aussi enragé que ceux d’autrefois, au pays. Il a perdu la tête.

— Bref, c’est la guerre.

Grebner éclata de rire.

— Il faudrait que vous soyez serbes pour comprendre. Ça va au-delà de la guerre. Le vieux a dit à Michael qu’il tuerait l’enfant de ses mains. Il le fera pour montrer qu’il n’a aucune faille et qu’on ne peut pas le menacer, et il tuera aussi Michael. Vous comprenez ce que je vous dis ? Tout ça est revenu à la figure de Michael.

— L’enfant est de Jakovic ? fit Cole. Pas de Michael ?

— Oui.

— Qui est la mère ?

— Allez savoir. Je ne connais pas ces gens-là.

— Michael a combien d’enfants ?

— Quelques-uns ? Beaucoup ? Aucun ? Vous croyez qu’on pique-nique ensemble, ou quoi ? Moi, j’ai toujours vu Michael avec des putes.

Une sonnerie se déclencha dans la poche de Pike, avec un bruit de casserole suraigu qui fit sursauter Grebner. Son portable.

Pike prit l’appel et resta muet. La personne au bout du fil resta muette. Pike entendit une respiration, puis la personne raccrocha.

Pike rempocha le téléphone et vit que Grebner souriait, les incisives vernies d’une pellicule de sang.

— Ça devait être Michael, non ?

— Il y a des chances.

— Je suis désolé pour votre ami Frank Meyer, mais il n’aurait pas dû se mêler de nos affaires. Vous non plus, vous ne devriez pas. Nous sommes des ennemis redoutables.

Pike le dévisagea un long moment puis tourna la tête vers Cole, qui avait l’air perplexe et l’interrogeait du regard.

— C’est bon, lui dit Pike. Je te rejoins dans une seconde.

Cole partit vers la porte d’entrée pendant que Pike se retournait vers Grebner. Quand Cole eut disparu, Pike sortit son 357 et arma le chien avec un clic métallique qui résonna comme un craquement d’os dans la maison silencieuse. Les sourcils de Grebner se levèrent, et son souffle se hacha. Il s’humecta les lèvres.

Pike lui colla son canon contre la tempe. Grebner pressa les paupières, puis les rouvrit. Ses yeux luisants se mirent à danser comme des phalènes contre une vitre.

— Où Jakovic a-t-il eu ces armes ?

— Aucune idée. Je n’en sais rien.

— Frank a trempé là-dedans ?

— Quoi ? Qui ?

La terreur de Grebner était telle qu’il avait déjà, oublié son nom.

— Le propriétaire de la maison. Frank Meyer. Il a trempé dans cette vente d’armes ?

— Je ne sais pas. Comment je le saurais ?

— Qu’est-ce que t’a dit Darko ?

— Il ne m’a jamais parlé de ce Frank Meyer. Il m’a juste dit qu’il savait où le vieux cachait son fils. C’est tout.

Pike appuya plus fort son canon contre la tempe de Grebner. Il y laisserait une marque parfaitement circulaire.

— Il t’a dit pourquoi l’enfant était chez les Meyer ?

— Non, juste qu’il allait l’enlever. C’est ce qu’il m’a dit.

— Darko a participé à l’attaque de la maison de Westwood ?

— C’est ce qu’il m’a dit. Pour être sûr que ça ne foirerait pas. S’il vous plaît…

Pike laissa errer son regard sur la mosaïque blanche, sur le luxueux mobilier blanc et, par-delà les deux sbires ligotés qui l’observaient avec effroi, sur le ciel infini et laiteux. Savoir le soulageait.

— Passe-lui le message.

Grebner rouvrit les paupières. Il s’attendait à être exécuté.

— Dis à Michael qu’il ne pourra pas m’arrêter, quoi qu’il fasse.

Grebner hocha lentement la tête, cherchant les yeux invisibles de Pike.

— Peut-être que vous aussi, vous êtes un ennemi redoutable.

Pike rengaina son arme et s’en fut.

Règle N°1
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